Spoonies

Shutdown et meltdown

Encore des mots anglais, désolées. Je vous renvoie sur cet article si vous voulez savoir pourquoi j’utilise des termes anglais dans un bon franglais à la sauce startup nation.

Pour les définitions, je vous renvoie aussi vers des articles extérieurs, ici pour le shutdown et ici pour le meltdown, attention, c’est en anglais. Globalement, dans les deux cas, l’idée de ces mécanismes, c’est de protéger la personne autiste en cas de surcharge émotionnelle ou sensorielle. Typiquement lorsqu’elle est soumise à stress trop important qui va aller au-delà de sa résistance émotionnelle ou sensorielle, par exemple, une exposition à un environnement social trop longue ou trop sollicitant, à des stimuli insupportables ou autres situations que la personne autiste ne supporte pas. C’est assez bien expliqué dans les deux articles en liens, ci-dessus.

Comme d’habitude, et je ne le précise pas toujours, c’est la règle générale de mon blog, je ne parle que de mon cas personnel. Attention à ne pas généraliser mes propos, ce n’est aucunement mon intention. De plus, je suis toujours en train d’essayer de me comprendre, de savoir comment je fonctionne et je n’ai clairement pas une réponse définitive à cela, premièrement parce que je me rends bien compte que je me connais assez mal sur ce sujet et que je change aussi, une personne, un être, n’est pas figé dans le temps. Il se peut que j’édite cet article dans un futur plus ou moins lointain pour le mettre à jour avec mes dernières réflexions sur le sujet. De plus, les réflexions que je couche à l’écrit dans cet article sont grandement le fruit de mes discussions avec ma femme, de ce qu’elle observe chez moi.

Cela fait quelques jours que je me pose la question de savoir si je fais des shutdowns et, ou des meltdowns. Je suis arrivée assez rapidement à l’idée que je faisais des shutdowns, en revanche, je ne pensais pas faire de meltdowns. Encore une fois, je me suis trompée et cela se joue sur l’idée que j’avais du meltdown. Je visualisais une crise autistique très cinématographique alors qu’en réalité, cela peut être bien différent.

Quelles sont les réponses typiques en cas de situation stressante ? Pour cela, 4 possibilités : Fight, flight, freeze et fawning. Dans le cadre de l’autisme, fight correspondrait au meldown, flight consiste à fuir la situation stressante, freeze correspond au shutdown et le fawning, c’est aussi ce qu’il est possible d’appeler le « people pleaser ». Faire tout ce que l’autre nous demande pour apaiser la situation.

Fawning

Par exemple, je fais du fawning au travail, quand je suis en désaccord avec d’autres développeuses sur la façon de régler un problème, souvent, je lâche l’affaire la première. Ce qui n’a pas toujours été le cas. Je me souviens que plus jeune, généralement, je ne lâchais pas l’affaire, j’étais plus dure en négociation, sauf qu’avec le temps, j’ai fini par accorder beaucoup moins d’importance à ce genre de décision. Malgré cela, je sais choisis mes combats et lorsque je trouve cela important, je sais aussi défendre mes idées. Le reste du temps, je fais du fawning. Peut-être que mes collègues pourront s’en rendre compte si elles font attention à cela. Autre exemple, j’ai tendance à prendre en compte toutes les remarques de review sur mes PRs, y compris les NIT et les OPT voire les FAR, sans les argumenter, à part lorsqu’il y a une erreur manifeste dans le commentaire de review. Désolée pour les non-informaticiennes, ces acronymes doivent vous paraitre cryptiques.

Flight

Autrement, lorsque je suis dans une situation stressante pour moi, je tente de fuir. S’il y a trop de bruit, je m’écarte du bruit, s’il y a des odeurs que je ne supporte pas, je me déplace, j’évite les foules et la promiscuité, de façon générale, s’il y a quelque chose de trop stressant pour moi et que je peux l’éviter, je l’évite.

Meltdown

Malheureusement, ce n’est pas toujours possible et ma réaction sera en fonction du désordre qui me perturbe. Quelque chose qui me perturbe beaucoup, c’est ce que j’appelle le chaos dans mon environnement proche, typiquement, c’est mon chez-moi, et cela, je ne peux pas le fuir, je ne peux pas non plus l’ignorer en faisant un shutdown, donc, il ne reste que le meltdown pour y remédier si toutes les autres actions n’ont pas fonctionné précédemment. En particulier, je fais ranger le bazar mis par les enfants fissa et manu militari, pour le dire joliment. Oui, je suis irritable, énervée, je crie et mes filles sont traumatisées du rangement. Je peux faire une fixation sur un simple bout de papier au sol et je suis incapable de penser à autre chose tant que ce bout de papier n’est pas jeté à la poubelle, je ne vois que ce bout de papier. Je parlerai plus amplement de ce que j’appelle mon chaos dans un autre article. Globalement, mes meltdowns ressemblent plutôt à moi en train de pousser une grosse gueulante pour des raisons qui peuvent vous paraitre non justifiées ou totalement disproportionnées. Ou alors cela peut être lorsque je me sens attaquée. Lorsque je me sens attaquée, j’ai une réponse immédiatement violente et non graduée, ce qui étonne toujours énormément l’entourage qui est témoin de ce qui se passe.

Lorsque j’étais enfant, je me faisais souvent embêter, j’ai toujours pensé que c’était parce que je suis une adoptée coréenne qui ne parlait pas le français. Ma récente prise de conscience sur l’autisme me fait revoir cette hypothèse. Je me souviens que les autres enfants me disaient que j’avais une voix bizarre, que je parlais comme un robot, que j’avais des manies bizarres et d’autres choses. J’aimais bien toucher le ventre de tout le monde, quand je rencontrais une personne, je la reniflais et autres comportements de ce genre. À force de me faire embêter, de me faire moquer, j’avais demandé à mes parents d’intervenir. Mon père, dans sa délicatesse habituelle, m’a dit que je devais apprendre à me défendre seule. J’ai donc appris à me défendre seule, et pour cela, j’ai commencé à taper les autres enfants qui m’embêtaient et que ce serait le cas pour toutes les personnes qui m’embêteraient, ce qui pouvait entrainer des bagarres. Maintenant, adulte, je n’en viens plus aux mains, en revanche, ce n’est pas forcément verbalement jolie, ce n’est pas non plus très discret. Ce qui étonne les gens, c’est le côté disproportionné et immédiat de la réponse alors que normalement, ce devrait être plus graduel.

Je ne pense pas faire de crises telles que cela nous ait donné à voir dans les séries télévisées ou au cinéma, enfin, je ne crois pas. Comme il y a plusieurs choses dont je ne m’étais pas rendu-compte jusqu’à présent, je peux avoir raté des trucs. De plus, je me suis rendu compte que je n’en avais pas toujours conscience lorsque je faisais une crise autistique.

Si vous me voyez faire un meltdown, cela ne s’arrêtera pas tant que l’élément déclencheur n’a pas été supprimé. N’essayez pas de me calmer de force, cela ne fonctionnera pas et au contraire, cela m’énervera encore plus. Il faut s’attaquer à l’élément déclencheur, soit faire en sorte de le supprimer ou l’éloigner.

Shutdown

En ce qui concerne les shutdowns, j’ai l’impression que je fais des shutdowns qui s’expriment de 2 manières légèrement différentes. La première, c’est lorsque je sature des interactions sociales, que je n’arrive plus à camoufler, et dans ce cas, je freeze, puis au bout d’un moment, je reviens. La deuxième, c’est lorsque je me réfugie dans ma bulle, je peux faire une activité qui me plait, je peux bouger, mais je vais ignorer les gens autour de moi, je risque de ne plus vous entendre, je vais clairement m’isoler et repousser les gens. En fait, je ne sais pas bien ce dont je suis encore capable dans cette situation, socialement parlant.

J’ai l’impression que je peux freeze, c’est-à-dire que je ne bouge plus, je ne parle plus, je regarde dans le vide et clairement, je ne suis plus là bien que mon corps reste là. Cela semble avoir une durée variable, jusqu’à une heure selon ma femme, même si elle ne m’a jamais chronométrée. Je lui ai demandé de le faire la prochaine fois que je fais cela en sa présence afin de savoir, je suis curieuse. Je ne sais même pas si, dans ce cas, mon esprit vagabonde ou bien si mon esprit ne fait rien. Je pense que cela m’arrive lorsque je suis dans une situation sociale intense pour moi, typiquement une soirée avec beaucoup de personne et beaucoup de bruit, n’importe quel événement avec beaucoup de personne et que je dois assurer la conversation. Cela peut m’arriver même si les gens avec qui je suis sont des proches, cependant l’idée est que moins, je connais les personnes et plus cela risque de m’arriver. Cela peut aussi m’arriver s’il y a un bruit ambiant trop important et que je n’arrive pas à filtrer les conversations du bruit ambiant, un réfectoire de cantine, une salle bruyante.

L’autre shutdown, semble survenir plus fréquemment. C’est lorsque je suis trop fatiguée et que j’ai une overdose de sociabilisation et que je dois me ressourcer, me reposer, me remettre de mes efforts de sociabilisation, que je suis fatiguée de camoufler. C’est clairement pour faire face à une surcharge sociale. Ou peut-être aussi après quelque chose de très frustrant pour moi, ou de très contrariant. Cela je le sens arriver, j’ai terriblement envie d’être seule, je ne veux plus parler à qui que ce soit, même ma famille, ma femme ou mes enfants, plus personne du tout, je ne veux plus qu’on ne me dérange du tout, je repousse assez brutalement quiconque qui essaie de s’approcher, et je peux faire une activité qui me plait, par exemple, mon intérêt spécifique du moment. S’il y a bien une caractéristique commune à tous mes intérêts spécifiques, c’est que c’est une activité que je peux faire seule. Clairement, je m’enferme dans ma bulle. Là, pour le coup, cela fait vraiment penser à une bulle dans laquelle je me réfugie pour me ressourcer. En réalité, je peux encore parler, je peux encore répondre, mais cela va être très tendu. Par exemple, j’ai régulièrement besoin d’avoir plusieurs heures où je suis tranquille, le week end, pour faire de la pâtisserie ou geeker sur quelque chose. Si vous me dérangez pendant que je fais cela, je vais très mal vous recevoir ou je vais carrément vous ignorer. Ce qui d’après ma femme est très malpolie lorsqu’une amie passe nous dire bonjour. Dans ma tête, la priorité absolue, c’est de rester dans ma bulle. Si je suis trop dérangée et que je ne peux pas suffisamment me ressourcer, je vais être d’humeur massacrante jusqu’à ce que je retrouve un moment pour m’enfermer dans ma bulle. Quand je cherche à m’enfuir dans ma bulle, il faut me laisser cette possibilité. C’est ainsi que je me ressource et cela veut dire que c’est à ce moment que j’en ai besoin. Pas plus tard, pas le lendemain, mais maintenant. Les enfants viennent souvent me solliciter, parce que ce sont des enfants et que pour les enfants, leurs parents sont toujours là, que pour eux, c’est comme s’il n’y avait qu’eux qui existait et bien dans ce cas là, je chasse les enfants de la cuisine et repoussant systématiquement leurs assaults acharnés sur ma bulle et si elles continuent d’insister, cela finit parfois en punition car je n’arrive pas à les tenir à distance. Heureusement, l’ainée qui a presque 9 ans a compris qu’il fallait me laisser tranquille dans ce genre de situation, en revanche la benjamine qui vient d’avoir 6 ans a encore du mal à comprendre cela.

Je me suis aperçu que je faisais cela, parfois, le soir. Dans ce cas, l’activité que je pratique peut être différente, par exemple, je geek sur ma tablette, cependant le mécanisme est le même. Souvent après le diner en famille, je coupe toute interaction sociale. J’ai remarqué que depuis que j’ai un travail, une maladie chronique et des enfants, j’ai bien plus besoin de me réfugier dans ma bulle qu’auparavant. Je me suis aperçu que je camouflais aussi en famille, les relations sociales au sein de ma famille représentent un coût en fatigue sociale non négligeable pour moi. Il n’est pas rare qu’après le repas, je repousse les enfants, même si elles ne veulent qu’un calin. Mais bon, je dirais quand même que le moment le plus important pour moi, c’est le temps que je prends le week end, c’est vraiment à ce moment là qu’il faut que je sécurise absolument un créneau pour ma bulle, encore, le soir en semaine, ça passe si je me fais déranger. Plusieurs fois, j’ai été trop dérangée le week end, rendant impossible pour moi d’avoir du temps pour me ressourcer dans ma bulle et je me suis sentie d’humeur vraiment exécrable jusqu’à ce que je retrouve un moment pour ma bulle. Je fais une réelle différence entre ces deux situations.

La durée de ce type de shutdown peut être extrêmement variable. Cela dépend beaucoup de si je parviens à obtenir suffisamment de temps pour me ressourcer ou pas.

Si vous me voyez faire un shutdown, il vaut mieux ne rien faire. Laissez-moi tranquille, ne me sollicitez pas violemment, ne criez pas, évitez de me toucher, n’essayez pas de me sortir de ma bulle, si je suis dedans, c’est pour une bonne raison. Si vous me sortez de ma bulle de force, je risque d’avoir une réaction très négative. En revanche, vous pouvez me parler normalement, comme si de rien n’était, je devrais vous répondre, mais, je peux avoir l’air désintéressée et tenter de vous envoyer balader, ne le prenez pas mal, cela veut dire que je n’ai pas suffisamment récupéré pour pouvoir reprendre des interactions sociales.