Spoonies

Les relations amicales

J’avoue que je ne savais pas trop comment intituler cet article. Je veux simplement parler de mes relations amicales. J’aime beaucoup le passage dans le film « Fight Club » où le personnage principal du film dit que les gens qu’il rencontre sont ses amis à usage unique. Un peu extrême, mais tellement évocateur.

Je fais partie de ces gens qui ont besoin d’une excuse pour voir d’autres gens. Le plus compliqué à comprendre pour les autres, c’est que voir des gens me fatigue. Me fatigue au sens premier, pour la bonne raison que lorsque je vois des gens, je dois mettre mon masque social. Tel le masque de Dexter. J’adore cette série. Ne vous inquiétez pas, mes grands couteaux de cuisine ne servent qu’à la cuisine. Je ne jette pas des morceaux de corps dans l’océan à côté de chez moi pour la bonne raison que je ne vis pas à côté d’un océan. J’ai l’humour que je peux.

Avec le temps, je me rends compte que j’ai toujours eu les amies en fonction de mes activités. J’ai un mal fou à garder des relations amicales avec les gens avec lesquels je n’ai pas une activité en commun. Une fois, au travail, mes collègues me demandent si je garderai contact avec elles si je change de taff. Je leur ai répondu de façon un peu brutale que je ne garde pas contact avec mes anciens collègues si je ne les vois plus, que je ne savais pas faire ça. Bizarrement, ma réponse ne les a pas tellement étonnées. Je me suis rendu compte que ce n’était pas qu’avec mes collègues. C’est avec tout le monde. Je ne sais pas garder le contact avec les gens.

En réalité, comme je ne sais pas si les gens m’apprécient ou pas, je ne sais pas si je dois les contacter ou pas, si je vais les déranger, si elles ont envie de me voir. J’ai du mal à connaître les limites que les gens veulent garder avec moi et moi quelles limites je dois mettre avec elles. Tout simplement, je ne sais pas.

De plus, lorsque je vois des gens, la plupart du temps, je n’ai rien à dire. Mais vraiment rien. Les gens sont capables de parler de tout un tas de sujets, je trouve cela incroyable. Je ne suis capable de ne parler que de mes intérêts spécifiques. Lorsqu’il y a plus qu’un comité très restreint, je n’arrive plus à m’insérer dans la conversation. En revanche, lorsque c’est un dialogue, pas une conversation de groupe, je sais discuter normalement. Pendant près de 8 ans, j’ai tenu une permanence associative, où nous recevions un public assez varié. À chaque fois, c’était pareil, dès que nous étions trop nombreux, je ne disais plus rien. En réalité, je ne m’en suis pas rendu compte, c’est ma femme qui m’a fait remarquer cela. Dès que nous sommes plus que 3 ou 4, je ne parle plus.

Selon Tony Attwood, dans son livre sur le syndrome d’Asperger, c’est parce que les personnes autistes n’arrivent pas à traiter suffisamment rapidement les signes sociaux d’une conversation lorsqu’il y a trop de monde. Cela fait trop d’informations à traiter à la fois et comme ce n’est pas inné pour les autistes, cela rend donc la conversation en groupe difficile. Soit, nous n’intervenons pas au bon moment, ou alors pas sur le bon sujet, ou bien pas de la bonne manière. Je trouve cette explication assez juste et en accord avec mon expérience. Pendant un temps, j’essayais de discuter en groupe, hélas, mes interventions étaient chaotiques, me faisant passer pour bizarre auprès des autres, voire inappropriée. Avec le temps, j’ai complètement lâché l’affaire, c’est à peine si j’écoute ce que les autres disent. En société, j’essaie de faire semblant, de paraître comme tout le monde, pendant que mon esprit vagabonde dans ma bulle.

Pourtant, il y a des gens avec qui j’aimerais garder contact. J’ai remarqué que parfois, je renvoie une mauvaise information aux autres. Elles me disent qu’elles ont compris que je leur faisais savoir ceci ou cela, c’est ce qu’elles ont compris de moi, et sont étonnées lorsque je leur dis que non, je n’ai jamais voulu leur dire, de façon non verbale, ceci ou cela. J’aime bien avoir des amis hommes, cependant, je ne dois pas savoir bien communiquer avec eux, car occasionnellement, ils aimeraient plus que de l’amitié, et me le font savoir. Sauf que de mon côté, je n’ai jamais voulu leur faire comprendre ce qu’ils s’imaginaient. Je suis mariée avec une femme, j’ai des enfants, la situation me paraissait extrêmement claire.

En revanche, cela ne me gêne pas du tout de reprendre une relation là où elle s’était arrêtée, même 10 ans après. C’était comme si le temps s’était arrêté pour moi. Je reprends exactement là où nous nous étions vues pour la dernière fois. Visiblement, cela est perturbant pour les autres.

Ce qui m’a longtemps interrogée, c’est que jusqu’à la fin du lycée, j’avais une vie sociale plutôt bien remplie. Je voyais souvent mes camarades. Cependant, en y réfléchissant, j’organisais souvent les rencontres, mais au moment de la rencontre, je me concentrais surtout sur l’intendance, l’organisation, le déroulement, j’étais assez peu, voire pas du tout, dans les conversations. J’ai l’impression qu’avec l’âge, les besoins, les envies changent. Je ne recherche plus du tout le même niveau de compagnie qu’avant. Peut-être est-ce parce que j’ai une famille et que j’ai une vie sociale au quotidien. Quoique je ne serais pas contre beaucoup plus de calme. Je vis dans le chaos et je dois beaucoup me contrôler pour ne pas péter avec un plomb avec tout ce chaos environnant.

J’ai l’impression que plus jeune, j’étais plus encline à faire les efforts pour mettre mon masque social et sortir, voir des gens, entretenir des relations amicales. Aujourd’hui, c’est une autre histoire. Mettre mon masque social me coûte, déjà que je le fais toute la journée pour le travail, je suis trop fatiguée pour le faire le soir où le week-end. Ma femme m’a dit que nos connaissances me trouvaient bizarre. Je lui ai demandé comment elle savait cela, si nos connaissances lui ont directement dit que j’étais bizarre. Elle a répondu que non, mais que cela se ressentait. Personnellement, je ne ressens rien du tout, mais je ne pense pas être une référence en la matière.

En tout cas, si jamais vous avez l’impression que je ne veux plus vous parler ou que je vous ai coupé de mes relations, sachez que ce n’est pas le cas. C’est juste moi que ne suit pas douée, ou pour être plus précise, incompétente en la relation humaine pour maintenir un contact avec vous.