Spoonies

Fausse joie

Après avoir diminué mon traitement il y a plus d’un an, l’intensité des douleurs et les fréquences avaient terriblement augmenté. Il a fallu que j’insiste pendant près d’un an pour que ma médecin accepte de réaugmenter mon traitement. Elle ne le sait pas, mais je lui en veux beaucoup pour ça. Le traitement étant assez long à agir, il faut attendre environ trois mois avant que je bénéficie vraiment des effets de l’augmentation du traitement. Je m’étais dit qu’au bout de ces trois mois, j’irai bien mieux. En effet, j’ai progressivement pu réduire ma prise d’opioïde, je l’ai presque divisée par deux. J’étais très contente. Auparavant, avec la quantité de médicaments que je prenais, j’avais pu avoir des semaines entières où je n’avais pas besoin de prendre d’antalgiques. Consciemment ou inconsciemment, je me disais que cela devrait de nouveau arriver, puisque logiquement, j’avais le même traitement. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que cela signifie pour moi. C’est de ne pas avoir suffisamment mal pour avoir besoin de prendre d’antalgique. Pour une patiente douloureuse chronique, c’est comme atteindre le Graal.

Diviser ma prise d’antalgique par deux, cela veut malgré tout dire que je prends environ trois à quatre tramadols par jour. Cela peut vous sembler beaucoup, mais pour moi, je vous assure, c’est léger. Évidemment, en prenant plus d’opioïdes par jour, j’avais déclenché la dépendance physique. La dépendance physique à cause d’opioïde, c’est quand le corps a modifié quelques-unes de ces habitudes et qu’il dépend de la substance ciblée pour fonctionner plus ou moins normalement. Je tiens à souligner qu’il est normal de déclencher la dépendance physique lorsque nous prenons beaucoup d’opioïdes et que cela n’est pas la dépendance au sens commun du terme. En ayant une dépendance physique aux opioïdes, je ne suis pas accro, droguée, camée, shootée, addict, le terme qui vous convient, à vous de choisir. Cela n’a rien à voir. Je vous laisse chercher sur l’Internet mondial les mécanismes de la dépendance physique à cause des opioïdes. Et là, j’imagine votre tête en train de vous demander en quoi la dépendance physique et l’addiction ne sont pas une et indivisible.

La réponse est assez simple, il n’y a pas l’aspect psychologique et social. Je ne vais rien faire de spécial dans le but d’obtenir une dose de la drogue concernée. La dépendance physique ne va pas prendre le pas sur ma vie, elle ne va pas diriger mes actions, mes envies, mon mode de vie. Je ne vais pas dépenser mon argent pour acheter de la drogue frauduleusement. Je ne prends pas du tramadol dans le but d’atteindre une béatitude ou bien une plénitude quelconque, je ne cherche pas à être « high ». Je prends du tramadol parce que j’ai mal et que cette douleur est tellement intense et omniprésente que je n’ai pas le choix, je dois prendre des antalgiques pour pouvoir fonctionner. La prise d’opioïdes ne va pas détruire ma vie, en revanche m’empêcher d’en prendre le pourrait. Je ne vais pas passer trop de temps à expliquer tout cela, car ce n’est pas le but de cet article et ce n’est pas ce dont je voulais parler, mais il me semblait important de préciser rapidement la différence, car peu de gens sont avertis sur le sujet. L’Internet mondial est rempli de ressources sur le sujet, libre à vous de vous informer. Attention, il y a aussi de la mauvaise information.

Pour retourner à nos moutons, j’ai diminué ma prise de tramadol à trois ou quatre cachets par jour et j’avais déclenché la dépendance physique. Les jours où je ne prends que deux ou trois tramadols sont plus difficiles, la quantité d’opioïdes est insuffisante et la dépendance physique se rappelle douloureusement à moi. Comment cela se manifeste-t-il ? Alors, comment dire ? Vous prenez votre pire journée où vous ne vous sentiez pas bien pour une raison quelconque, vous avez à la fois très mal partout, vous êtes fatiguée, vous frissonnez, vous avez des nausées, vous n’êtes pas bien du tout, vous êtes mal, mais genre en version carabinée. Le corps est en manque et tous les capteurs à douleurs se déclenchent. Là, vous le savez, vous allez passer une très mauvaise journée, cela va être un enfer. Pour sortir de la dépendance physique, il faut combattre ce mal être pendant une semaine environ. Si vous n’y arrivez pas, là, oui, vous pouvez tomber dans la dépendance à la fois physique, mais aussi psychologique et sociale et vous devenez une addict. Ce coup-ci, c’est le bon terme.

La stratégie pour se débarrasser de la dépendance physique est assez simple, il faut y aller petit à petit et tenir le coup. Il faut réussir à diminuer progressivement la prise d’opioïdes tout en endurant cet enfer. Parce que, soyons honnête, l’état de manque, c’est un enfer. Cela doit être la quatrième fois que je dois passer par ce sevrage et je peux vous dire qu’avant de déclencher la dépendance, j’évalue bien la situation, et que si je pouvais ne pas prendre d’opioïdes, je le ferai ! C’est d’autant plus un enfer, qu’en plus de l’état de manque, je dois aussi supporter mes douleurs chroniques. Je peux me sevrer que si mes douleurs sont suffisamment faibles et suffisamment espacées dans le temps pour que je puisse faire ma semaine de sevrage. Qui a dit que la vie de patiente chronique était de tout repos ?

Après avoir diminué ma prise d’opioïdes par deux, je me suis dit que, peut-être, j’allais pouvoir diminuer encore plus ma prise d’opioïdes. Je me suis donc attaquée à cette semaine de sevrage. J’ai voulu réduire ma prise de tramadol à deux cachets par jour. Cela ne s’est pas très bien passé. En plus du sevrage, les douleurs non liées à la dépendance physique, mais à ma maladie, sont bien trop fortes pour que je puisse baisser ma prise d’antalgiques. Je fais assez facilement la différence entre les douleurs liées à ma maladie et celles liées au sevrage. Je suis déçue, car je sens bien que même avec un traitement augmenté, j’ai l’impression que la maladie est toujours trop présente et j’ai de nouvelles douleurs et de nouveaux symptômes qui apparaissent. Je me demande jusqu’à quel point je parviendrai à supporter toutes ces douleurs et tous ces symptômes avant que je cesse de fonctionner. Je ne parle pas de vivre, je parle de fonctionner. Est-ce que malgré la hausse de mon traitement et cette diminution de prise d’antalgiques, la maladie ne va pas finalement revenir à la charge et continuer de progresser. Ce qui est très rageant, c’est que ma maladie se cache bien à l’imagerie médicale alors que je dois vivre avec un niveau de douleur insupportable sans une prise élevée d’opioïdes.

J’ai tellement mal, les douleurs du visage sont terribles, mes jambes sont une zone de douleur continue, mon dos me fait atrocement souffrir, j’ai des douleurs bizarres qui me traversent le corps et dernière nouvelle douleur, mon avant-bras droit. J’ai comme un pincement de nerf au milieu de mon avant-bras. Cela part de la base de ma main et remonte jusqu’au coude, la douleur semble être en profondeur au milieu du bras.

Finalement, je crois que je n’arriverai pas à me sevrer et que je ne parviendrai pas à diminuer encore ma prise d’antalgiques. Fausse joie.